Quand le vent de l'oubli souffle sur les champs du souvenir!

Alors que le Canada a célébré dignement la fin des combats de 1914-1918, là ou ses troupes se sont illustrées par leur bravoure, la société canadienne BORALEX spécialisée dans l'implantation d'éoliennes a, en toute l'égalité, fait fi de l'histoire. La page du Centenaire est à peine tournée que les paysages historiques et mémoriels de la Première Guerre mondiale sur le secteur de Cambrai sont victimes du lobbying avec l'implantation de forêts d'éoliennes, près d'une centaine autour de Cambrai dont huit sont en construction au cœur du théâtre des combats.

C'est un véritable désastre historique et archéologique que cette société a fait subir à l'histoire de notre région. Aucune précaution, ni aucune considération n'ont été prises pour tenter de préserver les traces d'une tragédie humaine qui a marqué à tout jamais le Cambrésis.
Les paysages et le sous-sol n'avaient, jusqu'à présent, que très peu souffert des implantations industrielles et du développement de l'habitat. Même les 2 autoroutes (l'A2 et l'A26) n'avaient pas impacté avec autant de virulence le champ de bataille de Cambrai qui avait fini par s'imposer comme l'un des paysages de mémoire les plus remarquables d'Europe au même titre que celui de la bataille de Waterloo.

Le territoire du Cambrésis a été particulièrement marqué par 2 évènements: La bataille de Cambrai de 1917, l'une des plus marquantes de l'Histoire avec le triomphe des tanks et celle du Canal du Nord, là ou le courage, la détermination et le sacrifice des soldats Canadiens ont montré au monde que leur pays était devenu une grande nation. Les nombreux cimetières militaire qui jalonnent leur avancé sont comme les empreintes de pas d'un géant marchant vers la victoire.

Aujourd'hui, l'indifférence des décideurs permet aux entrepreneurs éoliens de saccager et d'anéantir à tout jamais la physionomie de notre territoire. La situation est d'autant plus dramatique que les entreprises n'ont pas eu à considérer l'HISTOIRE. Les centaines de terrassements sur plusieurs milliers de m2, les centaines de km de tranchées creusées pour le câblage des éoliennes, l'élargissement, le démontage ou la construction de routes et de chemins pour l'installation des machines obligent les engins à arracher, à pousser, à dégager sans ménagement les traces centenaire des 4 années d'occupation et de combats.

Les autorités françaises avaient déjà été sensibilisées avec le parc éolien de Flesquières mais rien n'y a fait. A l'époque, les conclusions du commissaire enquêteur avaient été claires. Les cimetières militaires appartenaient au passé et les éoliennes au futur! Les difficultés financières des villages ou les intérêts des propriétaires de parcelles concernées mettant un point final à toutes discussions et nous obligeant ainsi à nous résigner et à subir cette invasion...
L'implantation d'éoliennes dans le Cambrésis ne respecte pas le champ de bataille.

Plus grave et révoltant, à l'inverse de ce qui se passe dans la Somme, ou à Bullecourt dans le Pas-de-Calais, AUCUNE PRESCRIPTION archéologique n'a été imposée sur le secteur de Ribécourt, Havrincourt, Flesquieres, Cantaing, Metz en Couture, Gouzeaucourt, Beaucamp, etc., c'est à dire l'ensemble du champ de bataille de Cambrai ! Pour quelles raisons? Le sang de nos alliés a pourtant largement coulé avec plus de 20000 morts! N'y avait-il pas eu à quelques kilomètres, des fouilles hors normes pour le futur canal Seine Nord, pour retirer quelques vestiges gallo-romains, mérovingiens ou autres! ? ici et pour cette période de 14-18 qui intéresse le monde entier, rien.. . Les services archéologiques sont aux abonnés absents!
Toutes chances de sauvetages, de repérages ou d'inventaires ont été perdues car elles avaient été laissées au bon vouloir d'entreprises n'ayant aucune sensibilité particulière pour l'histoire de nos territoires et n'ayant aucune connaissance précise de ce qui s'était déroulé ici.

Depuis plus de trente ans les membres de l'association du Tank de Flesquières ont eu à cœur de préserver, de sauver, de valoriser un patrimoine en danger car très souvent oublié et négligé. Ses membres se sont engager à collecter la mémoire des anciens, à inventorier les ouvrages bétonnés de la ligne Hindenburg mais aussi les stigmates des combats encore présents dans les villages et la campagne. La récupération et la préservation des vestiges inoffensifs du champ de bataille étant aussi une priorité.

Nous avions espéré que la société canadienne BORALEX, dont la filiale française en charge du projet aurait une attention particulière sur ces hauts lieux de mémoire mais ce ne fut pas le cas. Nos tentatives pour l'alerter sont restées vaines et nos recommandations n'ont pas été prises en compte. Aucun effort ni aucune alternative n'ont été proposés. Les responsables de la société ont agit en pleine connaissance d'être sur un champ de bataille important et sur un lieu de mémoire. Pour preuve et pour garantir leur responsabilité en cas d'accident, ce qui est tout à fait louable, BORALEX a sollicité une entreprise de dépollution pyrotechnique (obus à gaz, explosifs, munitions ) pour extraire à grande échelle toutes les matières et engins dangereux enfouis sur les nombreux sites où leur prestataires doivent intervenir. Pour preuve, ce mardi 26 février 2019, l'explosion des 3 grenades au phosphore qui avaient échappées à l'entreprise de dépollution.

Pendant plusieurs mois, cette même société spécialisée avec un personnel important et l'aide de nombreuses grues, a travaillé dans le sud du Cambrésis au cœur du champ de bataille.
Conscient de la dangerosité des travaux, nous n'avons pas cherché à interférer sur leurs déroulements. De nombreux obus et munitions ont été extraits puis retirés par les services officiels. Mais, nous avons été scandalisés de constater qu'aussi un matériel considérable inoffensif et témoin de la souffrance des hommes était abandonnée (pour les moins belles pièces) aux bords des chemins ou au coins des champs pour finalement être récupéré par des ferrailleurs ou simplement pillé. Pour preuve et à notre stupeur, nous avons constaté que les morceaux d'un tank avaient été retrouvés et abandonnés sur le bord d'un chemin!

BORALEX n'avait aucune obligation de s'occuper des éléments du passé puisqu'aucune prescription particulière ne lui a été imposée lors de la délivrance des permis. L'origine canadienne du groupe, nous laissait espérer qu'une attention particulière aurait été portée à notre secteur. Il n'en a rien été et pourtant les investisseurs n'ont ils pas choisi de nommer l'entreprise porteuse du projet : " Le Seuil du Cambresis"! Ces vents ne soufflent que dans le sens des investisseurs, de la finance et du lobbying.

Nous avions pourtant demandé qu'à l'instar de ce que font les archéologues, des relevés inventaires et photographiques des découvertes et aussi des travaux soient effectués. Aucune réaction du service communication de l'entreprise, celui-ci se contentant seulement de nous préciser que nous serions avertis en cas de découvertes importantes.
N'ayant aucune compétence, comment pouvait il juger? De toutes manières, nous ne l'avons jamais été! Nous avions proposer notre soutien car les membres de notre association ont, eux, une connaissance précise du champ de bataille.
Une réponse soporifique de la part du service communication nous est parvenue témoignant du peu d'intérêt montré par les décideurs de cette société. Notre proposition est donc restée sans réaction et la société BORALEX a confirmé, de la sorte, son manque de considération historique dans les travaux qu'elle a réalisés et qu'elle réalise encore dans le Cambresis.
Pouvait il en être autrement? Oui.

Par ironie de l'histoire sur le versant Nord de la crête de Flesquières, 6 éoliennes viennent d'être implantées. La société en charge était Autrichienne! Spontanément les dirigeants de cette entreprise, elle, à taille humaine a immédiatement compris l'intérêt historique du site mais ont aussi montré une sensibilité sincère au territoire. Tout à été mis en œuvre pour répondre à nos attentes et nous avons été associés aux différentes découvertes. L'ensemble des opérations a pu être filmé par un de nos membres. La société Autrichienne a aussi soutenu techniquement la construction du centre d'interprétation "Cambrai Tank 1917". Alors qu'elle n'y était pas obligé, la même société a remis, volontairement, en état les abords des 2 cimetières militaires du village. Que de différences avec BORALEX!

A Bullecourt, haut lieu des combats pour les Australiens, la pression des autorités du pays, a purement et simplement fait abroger le projet éolien. Des fouilles archéologiques sont programmées tous les ans. Chaque "m2" témoin est scrupuleusement étudié. Ce qui est découvert est nettoyé, répertorié, photographié et conservé pour témoigner de la mémoire et de la valeur des hommes qui ont combattu.

Sur la crête de Flesquières, notre association a érigé en 2007, un monument où figure les drapeaux des Nations ayant combattu sur ce champ de bataille. Celui du Canada flottait fièrement mais bientôt les éoliennes lui feront de l'ombre! Le site est un belvédère ou les visiteurs viennent découvrit le champ de bataille. Nous avons installé une table d'orientation pour permettre la lecture du paysage et l'interprétation de l'histoire. Nous avons aussi informé BORALEX des nuisance et de la pollution visuelle que leurs machines vont causer à notre site car elles sont installer en face mais là encore aucune considération ni mention.

Pour le champ de bataille de Cambrai, la situation est maintenant désespérée. C'est avec une profonde tristesse que nous tenions a informer les nombreux visiteurs de ce saccage historique. La société des "Vents du Cambresis" restera pour l'histoire une tornade dévastatrice.

Philippe Gorczynski (Association du Tank de Flesquières - France) et Tim Heap (Friends of Tank Deborah D51 - Grande Bretagne)